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SAINT-URBAIN

La vallée des Grands-jardins

La vallée des Grands-Jardins

LOCALISATION

Coordonnées : 47° 41,209′ N, 70° 38,440′ O

À la limite du Parc national des Grands-Jardins – Dans la zec des Martres – Droit d’accès. Départ du sentier sur la route 381 – à 2 km au nord du pavillon d’accueil du parc. Sentier du Dôme – Sommet à 2,21 km – Départ à 599 m – Arrivée à 926 m – Dénivelée de 327 m

Description sommaire du site :

Ce spectaculaire panorama permet d’observer une imposante vallée entaillant le plateau des Laurentides, vallée directement raccordée à l’astroblème.

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Avec une vue de plus de 40 km vers le sud, le paysage observé contient six ensembles d’intérêt de gauche à droite :

1. Une série de sommets tous presque plats ou arrondis, dont l’altitude passe successivement de 960, à 950 et 940 m, pour brusquement chuter à 700 m (mont de la Chouenne).

Photo 2

2. Un versant est de plus d’un kilomètre de long, avec par endroits des parois abruptes dénudées ou avec des sections rectilignes pouvant contenir de longues cicatrices d’érosion.

Photo 3

3. Une vallée relativement plane, vers 500 m d’altitude et de plus de 1,3 km de large, se rétrécissant à 250 m à peine au débouché sur les collines de l’arrière-plan.

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4. Un versant ouest constitué d’une série de parois abruptes dominant des éboulis, dont plusieurs se terminent par d’étranges bourrelets arqués.

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5. Plus loin, la vallée débouche sur de basses collines, entre 400 et 300 m d’altitude, avec de longues crêtes linéaires orientées ouest-est.

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6. Tout à l’arrière-plan, les basses collines sont de nouveau dominées par une série de sommets, entre 600 et 800 m d’altitude, qui bordent la rive nord de l’estuaire du Saint-Laurent.

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Géologie locale :

Nous sommes ici en bordure de l’astroblème de Charlevoix. Les reliefs de ce secteur appartiennent au plateau des Hautes-Laurentides et sont constitués d’anorthosite, une roche mise en place il y a plus d’un milliard d’années. Pourtant, les mêmes roches forment le soubassement des basses collines. Tout cela résulterait-il d’effondrements générés par l’impact météoritique vers 400 millions d’années ?

Les sommets, presque tous de même altitude, sont les vestiges d’une surface d’érosion, vraisemblablement vieille de 600 millions d’années. En bordure des basses collines, le plateau est marqué d’une série de petits compartiments effondrés, limités par des failles. Plus loin, la brusque dénivelée de plus de 700 m avec les basses collines marque la limite du vaste effondrement qui constitue la zone de l’astroblème. L’ampleur de cette dénivelée donne-t-elle la valeur de l’effondrement? Pas exactement.

La vallée devant vous, ainsi que sa connexion avec l’astroblème, est le témoin d’une période d’érosion intense postérieure à l’impact météoritique. Cette érosion, vraisemblablement sous l’action de puissants cours d’eau, a exploité les zones de roches plus fragiles, notamment d’anciennes failles dans l’anorthosite, mais aussi celles plus récentes. Cette période d’érosion remonterait au Tertiaire (de -65 à -2,6 millions d’années). La vallée est une section d’un ancien réseau hydrographique qui devait se prolonger profondément dans l’astroblème, et rejoindre la vallée du Gouffre et l’axe du Saint-Laurent, tel que le suggère le fond rocheux de cette vallée, au moins 250 m sous le niveau actuel à Baie-Saint-Paul (voir le site du cap aux Rets).

La surface plane du fond de la vallée, les longs versants rectilignes, les parois abruptes, les éboulis actifs, tout cela relève d’une géologie beaucoup plus récente, de quelques millénaires seulement, correspondant à la dernière période glaciaire (-110 000 à -10 000 ans) et du postglaciaire jusqu’à aujourd’hui (de ­10 000 ans à l’actuel). Dans le secteur immédiat, la couverture de glace disparaît définitivement entre -12 000 et -11 000 ans. Le fond de la vallée est colmaté par d’épais dépôts de till, moins épais sur les versants. Sur les sommets, y compris celui où vous êtes, sont disposés des blocs erratiques de roches très différentes de celles des parois, et provenant de quelques kilomètres plus au nord. L’étude des types de blocs peut d’ailleurs servir à reconstituer les différents écoulements glaciaires. La paroi du Dôme, que vous pouvez observer au début du sentier, présente aussi des indices d’un refaçonnement glaciaire. Son aspect poli par endroits ainsi que la forme générale en demi-U, directement dans le roc, résultent en partie d’une érosion sous-glaciaire. Toute la vallée était alors encore couverte d’une glace s’écoulant globalement vers le sud, vraisemblablement entre -20 000 et -13 000 ans.

La paroi du mont du Dôme

Noter le profil du versant dans le roc (A), les surfaces polies (B), les corniches résultant de décrochements récents (C) ; le tout, juste en contrebas du point de vue du panorama (D).

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Le ruisseau actuel, drainant la vallée, est complètement sous-proportionné par rapport à la taille de la vallée. Il est parfois encaissé de plus de 10 m dans les sédiments. Cela correspond à une période avec de puissants écoulements d’eau, période postérieure aux dépôts glaciaires. Il s’agit vraisemblablement d’eaux de fonte s’écoulant à la marge d’un appareil glaciaire. On parle ainsi d’écoulements fluvioglaciaires. Tout juste à 4 km en amont de la vallée, des moraines frontales, dites de Saint-Narcisse, sont identifiables le long de la route 381. Elles marquent une importante étape dans la déglaciation, à mesure que l’inlandsis (grand glacier) se réduisait en volume et en surface vers le nord. Voir le scénario de déglaciation ci-dessous.

Positions probables du front glaciaire vers -11 000 ans d’après les travaux d’Étienne Brouard présentés dans une thèse de l’Université Laval (2015) :

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Les curieuses déchirures linéaires sur certains versants sont taillées dans les sédiments glaciaires. Elles résultent d’une érosion historique sous forêt, dont on connait encore peu le mécanisme, ici à la suite de précipitations très intenses survenues en 1996. On parle de glissements pelliculaires. Plusieurs milliers sont connus dans les Hautes-Laurentides. Leur cicatrisation demande plusieurs décennies. Voir la vue ci-dessous.

Glissement pelliculaire de 1996 en cours de cicatrisation :

Les curieuses déchirures linéaires sur certains versants sont taillées dans les sédiments glaciaires. Elles résultent d’une érosion historique sous forêt, dont on connait encore peu le mécanisme, ici à la suite de précipitations très intenses survenues en 1996. On parle de glissements pelliculaires. Plusieurs milliers sont connus dans les Hautes-Laurentides. Leur cicatrisation demande plusieurs décennies. Voir la vue ci-dessous.

Glissement pelliculaire de 1996 en cours de cicatrisation :

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Les bourrelets de blocs au pied des éboulis du versant ouest sont une particularité intéressante de la région de Charlevoix. Ces bourrelets renferment des noyaux de glace permanents et sont toujours en mouvement. Ils se déplacent lentement vers le centre de la vallée. On les appelle des glaciers rocheux. Ce type de dépôt correspond normalement à des milieux beaucoup plus nordiques. Ils sont communs en milieu de toundra et constituent un indice de la présence de pergélisol. Leur présence ici est probablement reliée à une exposition peu ensoleillée, combinée avec des éboulis actifs. Des forages dans deux glaciers rocheux de la vallée de la Sainte-Anne (32 km vers l’ouest) ont révélé plus de 3 m d’épaisseur de glace!

Voir les schémas ci-dessous.
Vue verticale et profil du glacier rocheux de la vallée de la Sainte-Anne ; noter la lentille de glace :

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Photo aérienne 1986 d’un glacier rocheux dans une autre vallée, 4 km à l’est du mont du Dôme :

Photo 12

Les crêtes des basses collines sont principalement d’origine glaciaire. Elles sont constituées d’un noyau amont taillé et poli dans l’anorthosite (voir la photo ci-dessous), suivi d’une longue trainée de matériaux meubles, généralement sous-glaciaires. Elles attestent d’un puissant écoulement de glace depuis les Hautes-Laurentides.

Amont rocheux d’une crête des basses collines. Les affleurements rocheux dans l’anorthosite sont polis, fuselés, dits en « dos de baleine » et en groupes parallèles :

Photo 13

Visibles seulement par temps clair, depuis le panorama, les sommets de l’arrière-plan à 40 km appartiennent au plateau des Hautes Laurentides, affectés par les contraintes géologiques particulières de la vallée du Saint-Laurent (voir le site x du Massif).

Le mont du Dôme depuis le sentier de la Chouenne dans le parc des Grands Jardins; avril 2015 :

Photo 14