BAIE-SAINT-PAUL
Les rythmites de Saint-Placide
Un ancien lac glaciaire dans la vallée du gouffre?
LOCALISATION
Coordonnées : 47° 26,297′ N., – 70° 35,827′ O
Coupes de terrain multiples sur la rive droite du Bras du Nord-Ouest, un affluent de la rivière du Gouffre, à l’ouest de Baie-Saint-Paul.
Altitude du sommet : 333 m – Altitude de la rivière : 245 m.
L’accès à la coupe principale est difficile, dangereux et déconseillé. Une vue globale, accessible et sécuritaire est recommandée depuis le rang Saint-Placide Sud, à partir d’un point de vue sous les lignes de transport électrique. Coordonnées : 47° 26,297′ N. – 70° 35,827′ O.
À la sortie de Baie-Saint-Paul, prendre vers l’ouest le chemin du Vieux-Moulin, puis la côte de Pérou jusqu’au rang Saint-Placide. La coupe principale est visible depuis la route, à environ 7 km depuis la route 138. Des chaussures de randonnée et des jumelles sont requises.
Description sommaire du site :
Ce site permet d’observer une très imposante coupe de terrain dans les dépôts meubles qui tapissent les versants de la vallée du Bras du Nord-Ouest. Environ 30 m de sédiments lacustres y sont recouverts de plus de 60 m de dépôts glaciaires.
Géologie locale :
Description de la coupe
Les affleurements de sédiments sont répartis sur au moins 4 km dans le versant de la rive droite du Bras du Nord-Ouest. Le point de vue où vous êtes permet d’observer le site principal. Il se compose de deux grandes unités stratigraphiques déployées sur près de 100 m de hauteur :
UNITÉ 1: à la base, juste au-dessus de la rivière, l’unité 1 se compose essentiellement de sables stratifiés, parfois déformés, inclinés vers l’aval de la vallée, contenant quelques galets dispersés (Figure 1) et des lits déformés.
Au-dessus, l’unité passe à une alternance de lits centimétriques de sables et de lits de silts, contenant aussi des galets épars.
Puis, à mesure qu’on s’élève dans la coupe, les lits s’épaississent et les sédiments fins deviennent dominants. La section supérieure de cette unité est constituée d’épais lits de silts (Figure 2), très compactés, pouvant contenir de gros galets et des blocs de roche (Figure 3), ainsi que des lentilles de graviers. C’est cette section de couleur gris foncé qui constitue une petite falaise, à droite sur le photomontage.
Plusieurs zones présentent des lits de sédiments déformés (Figure 4) présentant des successions de plis couchés vers l’aval de la vallée actuelle (Figure 5). Ces déformations sont recouvertes à leur tour d’autres lits de sédiments fins peu perturbés (Figure 6).
UNITÉ 2: l’unité supérieure est très différente car essentiellement composée de sables et de graviers en vrac (Figure 7), ainsi que de quelques gros blocs arrondis et dispersés. Ce mélange de sédiments apparemment sans structure est appelé un diamicton.
Dans quels milieux tous ces sédiments se sont-ils déposés?
Voici des éléments de réponses.
Les sédiments de l’unité 1 se sont déposés dans un milieu aquatique lacustre dont les caractéristiques se sont graduellement modifiées. La présence de sable à la base correspond à un milieu aquatique assez dynamique. Mais peu à peu, le milieu semble être devenu plus calme, puisqu’on observe la décantation des sédiments fins. Cela pourrait correspondre à un plan d’eau en formation dont la tranche d’eau s’épaissit dans le temps. Ainsi, les sables se déposeraient peu à peu plus en amont du bassin, là où l’énergie des courants est encore suffisante pour les déplacer. Le litage des sédiments indique des pulsations saisonnières ou annuelles dans la sédimentation, d’où le nom de rythmites.
Dans toute l’unité se trouvent des galets ou des blocs qui contrastent toujours avec les sédiments qui les entourent. Comment comprendre cela? L’explication la plus simple est que ces galets et blocs ont été transportés par des glaces flottantes au moment d’une débâcle. Lors de la fonte, les blocs enfermés dans la glace finissent par couler et se déposer sur les sédiments du fond. On nomme ces sédiments des galets ou des blocs délestés provenant d’une activité glacielle. Le processus est toujours actif dans le Saint-Laurent actuel (voir le site 26 : « La roche à Caya »).
Les importantes déformations dans les sédiments fins sont plus complexes à interpréter. Elles ne peuvent se développer ainsi quand les sédiments sont consolidés. Les sédiments étaient dans un état plastique, vraisemblablement saturés d’eau, par suite de leur récente sédimentation. Pourquoi se sont-ils déformés alors que ceux en dessous ou au-dessus ne le sont pas? Il doit s’agir d’un évènement particulier affectant le milieu lacustre : un glissement de terrain? Une secousse sismique importante? C’est une enquête à poursuivre!
Comment se fait-il que ce milieu lacustre soit perché à presque 300 m d’altitude? Là encore, l’enquête est à poursuivre. L’hypothèse la plus simple serait un plan d’eau localisé dans la vallée actuelle du Bras du Nord-Ouest. Mais cela implique un barrage en aval, car la vallée est ouverte sur celle du Gouffre, elle-même ouverte sur l’estuaire du Saint-Laurent. À suivre…
L’unité 2 est un till, c’est-à-dire des sédiments transportés et déposés surtout sous un glacier. L’épaisseur du dépôt est ici remarquable. Il est possible que cela résulte de plusieurs phases de dépôt. D’ailleurs, dans tout le secteur abondent les moraines (figure 8). Ces moraines latérales ont été construites en marge d’une langue glaciaire qui occupait l’actuelle vallée du Gouffre vers -14 000 ans (figure 9).