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BAIE-SAINT-PAUL

Paléo-delta de la Rivière du gouffre

25 mètres de sédiments déposés il y a tout juste 8600 ans!

LOCALISATION

Coordonnées : 47° 30,050’ N – 70° 30,640’ O

PARTICULARITÉ: autrefois accessible depuis la route 138, ce site est maintenant accessible seulement à partir de la rivière du Gouffre. Il est possible d’en faire l’observation lors des descentes de rivière proposées par Katabatik Aventure (20 km).  

Coupe visible aussi depuis le numéro 610 du chemin Saint-Laurent (47°30,109’ N –  70° 30,144’ O). 

Description sommaire du site :

Ce site permet d’observer une spectaculaire coupe de terrain dans des dépôts meubles juste en bordure de la rivière du Gouffre. Des sédiments fossilifères sont curieusement superposés, mélangés et emboîtés sur plus de 25 m de haut. 

Géologie locale :

La coupe, visible sur plus de 200 m dans la courbe de la rivière, se compose de trois entités du bas vers le haut : 

Figure 1 : Coupe de terrain en bordure de la rivière du gouffre
  1. Des sédiments surtout argileux, grisâtres, tantôt massifs, tantôt finement stratifiés, pouvant contenir des valves de mollusques marins et des troncs d’arbre (voir plus bas : photo1). L’épaisseur totale visible diminue vers l’aval de la rivière. La transition avec l’unité supérieure est parfois graduelle, parfois nette (photos 2 et 3). Des failles recoupent les lits. À l’amont et au centre, plusieurs gros ensembles argileux semblent même alterner avec l’autre unité.
  2. Des sables fins stratifiés, des graviers et de petits lits argileux composent l’unité médiane. Elle est à plusieurs endroits très oxydée (couleur rouille) et parfois indurée. Les lits obliques sont d’inclinaison parfois très prononcée vers le sud, soit vers l’aval de la rivière, et peuvent recouper les lits sous-jacents. On peut observer plusieurs failles en amont, ainsi que des galets d’argile dispersés (photo 4). Les lits les plus fins contiennent localement des aiguilles de résineux, de branches écrasées, de charbon de bois et plus rarement de sections de troncs de bois.
  3. Au sommet, les lits de sable grossier, de graviers et de petits galets sont réguliers, latéralement continus et légèrement inclinés vers le sud (photo 5).
Photo 1 : Tronc d'épinette dans l'unité 1
Photo 2. Alternance de lits d’argile et de sable en transition avec l’unité 2.
Photo 3. Aspect amont de l’unité 1. Noter les argiles massives à la base, puis stratifiées.
Photo 4. Noter les galets d’argile dispersés dans le sable, ainsi que les lits déformés.
Photo 5. Lits continus de sable, graviers et petits galets de l’unité 3.

D’où tous ces sédiments peuvent-ils provenir?  

En fait, il y a plusieurs pistes de réponse:  

La présence de sédiments argileux, mélangés avec des sables, ainsi que la présence de galets d’argile est peu compatible avec une mise en place graduelle. En effet, pour que des argiles puissent se déposer, le milieu aquatique doit être relativement calme. Alors, pourquoi y a-t-il des sables et des galets mélangés qui correspondent à des milieux aquatiques plus dynamiques? 

Les unités 1 et 2 renferment de la matière organique terrestre, forcément apportée de l’amont pendant la sédimentation. Le tronc d’épinette que l’on peut voir dans les argiles de l’unité 1 était âgé d’environ 40 ans lorsqu’il a été enfoui ; cet événement aurait eu lieu il y a environ 8 680 ans selon ce que révèle la datation au carbone 14. Un autre tronc peut être aperçu dans les sables sus-jacents de l’unité 2 ; l’arbre poussait il y a environ 8 410 ans. 

Dans les argiles massives de l’unité 1, les valves de mollusques marins sont dispersées, fragmentées, et parfois localement abondantes. Il s’agit surtout de bivalves de mer froide. L’état des valves laisse supposer qu’elles ont été déplacées et enfouies en même temps que les argiles massives. 

Cette analyse de la coupe de terrain semble indiquer que la mise en place des unités 1, 2 et 3 est quasi simultanée, géologiquement parlant. Un apport aussi important et rapide de sédiments, alors que la région est déjà à cette époque complètement couverte d’une végétation forestière, laisse croire à un évènement catastrophique en amont. 

Le scénario le plus probable semble être un grand glissement de terrain affectant les versants de la vallée du Gouffre. Les versants étaient couverts de sédiments argileux résultant d’une sédimentation profonde, alors que la vallée du Gouffre était envahie par la mer, jusqu’à l’équivalent actuel de 200 m d’altitude. Les littoraux qui se sont formés par la suite au cours du retrait de la mer ont accumulé d’importants volumes de sable. Plusieurs de ces accumulations existent encore dans toute la vallée du Gouffre. Pour une raison inconnue (un tremblement de terre, des pluies abondantes ou des feux de forêt), un grand glissement de terrain est survenu en amont du secteur des Florent. Ce glissement a mobilisé d’anciennes argiles marines qui se sont partiellement liquéfiées, et a transporté de grandes quantités de sable. Tous ces sédiments se sont alors déplacés vers l’aval de la vallée. 

Toutefois, il subsiste encore une énigme… En effet, les sédiments des unités 2 et 3 forment un ensemble de type delta qui doit correspondre à l’arrivée d’une rivière dans un plan d’eau plus vaste et profond. Or, le sommet de la coupe est à environ 50 m d’altitude et les sédiments se sont visiblement déposés dans un milieu d’eau douce. Pourtant, cela aurait dû être un milieu marin puisque le site est ouvert sur l’estuaire actuel ! Peu d’éléments de réponse sont disponibles pour le moment. On peut seulement supposer que d’autres glissements de terrain en aval auraient obstrué totalement la vallée, créant ainsi des barrages temporaires retenant des plans d’eau dans lesquels s’accumulaient les sédiments, qui auraient par la suite glissé en amont. Les traces de glissements de terrain abondent dans toute la vallée jusqu’à Baie-Saint-Paul.