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BAIE-SAINT-PAUL

Érosion en action dans la vallée du Gouffre

Érosion en action dans la vallée du Gouffre

LOCALISATION

Coordonnées : 47° 30,082′ N., 70° 30,405 ‘ O

À partir de l’église de Baie-Saint-Paul, emprunter la route 362 E et rouler 1 km. Tourner à gauche sur le Chemin Saint-Laurent et faire 6,5 km. Stationner en bordure de la route. Il vous faudra marcher à travers champ jusqu’au bord de la rivière du Gouffre.

Description sommaire du site :

Le site se compose de quatre entités au-dessus de la rivière du Gouffre :

  • Un sommet parfaitement plat vers 32 m d’altitude
  • Un versant généralement rectiligne, à pente forte, d’environ 10 m de dénivelé
  • Un petit amphithéâtre entaillant le haut du versant
  • Des bourrelets vers l’aval se terminant dans le lit de la rivière
Les quatre entités du géosite

Géologie locale :

Matériaux et chronologie

Tous les matériaux rencontrés sur ce site forment un ensemble de dépôts meubles, c’est-à-dire une accumulation de particules minérales ayant été au préalable arrachées ou dissoutes des roches, puis transportées et enfin sédimentées. Nous observons ici le résultat de plusieurs épisodes de sédimentation, forcément beaucoup plus jeunes que les roches de la région, et remontant à quelques centaines ou quelques milliers d’années seulement.

1. Le sommet se compose de sables fins à grossiers, brun clair, souvent stratifiés et contenant des bandes de galets de roches surtout cristallines et parfois d’origine sédimentaire, très émoussés, voire polis et arrondis. Ce dépôt date d’au plus 400 ans avant aujourd’hui.

2. Le versant est constitué d’argiles et de silts argileux, gris bleuté, tantôt massifs et épais, tantôt stratifiés avec de fins lits de sable, le tout pouvant contenir des graviers isolés ainsi que des fragments dispersés de valves de mollusques marins. La sédimentation argileuse date d’environ 8000 ans avant aujourd’hui.

3. Les bourrelets (entité 4) sont constitués d’argile complètement déstructurée enveloppant des paquets d’argile encore massive. Une fine couverture discontinue de sable fin recouvre les bourrelets d’argile en amont. L’amphithéâtre (entité 3) ainsi que les bourrelets (entité 4) résultent d’un déplacement de terrain ayant affecté les différents dépôts meubles. Ce glissement de terrain rotationnel date du printemps 2012.

Processus

Pourquoi la vallée du Gouffre est-elle là?

Le réseau de drainage, c’est-à-dire l’organisation et la disposition de l’ensemble des cours d’eau d’une région, résulte des contraintes imposées par la nature des roches, les fracturations (failles, graben, etc.) et les environnements (tropical, marin, glaciaire, lacustre, etc.).

Comme évoqué à d’autres sites, ce sont les effondrements résultant de l’impact météoritique (400 millions d’années) qui produisent le graben annulaire dans lequel se trouve la vallée actuelle. Mais c’est surtout à l’époque tertiaire (65 à 2,6 millions d’années) que la vallée a été creusée (voir le site du chemin du Moulin), par de forts écoulements fluviatiles, raccordés à un niveau de la mer beaucoup plus bas qu’aujourd’hui. Ainsi, durant le Quaternaire (de 2,6 millions d’années à aujourd’hui), les périodes glaciaires et interglaciaires ne font que retoucher la topographie par des érosions locales et des remplissages sédimentaires récurrents.

Pourquoi des sédiments épais et récents dans la vallée du Gouffre?

À la fin de la dernière glaciation, alors que le front glaciaire était encore au nord de SaintUrbain et à Saint-Aimé-des-Lacs, la mer a submergé les régions déglacées jusqu’à environ 210 m d’altitude. La vallée du Gouffre est alors devenue un profond bras de mer dans lequel aboutissaient les eaux de fonte glaciaire chargées de sédiments. Les particules minérales les plus grossières se sont sédimentées au contact du plan d’eau marin (voir les grands deltas sableux au nord de Saint-Urbain traversés par la route 381), alors que les particules les plus fines, comme les argiles, se sont sédimentées dans les eaux plus calmes et profondes en aval, et jusque dans l’estuaire du Saint-Laurent.

Les argiles de ce site (entité 2) résultent bien d’une sédimentation marine. Leur contenu en micro-organismes planctoniques marins ainsi que les fragments de valves de mollusques marins de mer froide semblent le confirmer.

Pourquoi un chenal fluviatile plus de 10 m au-dessus du lit actuel de la rivière du Gouffre?

Les sables et galets au sommet (entité 1) résultent d’un écoulement d’eau correspondant à un milieu fluviatile tantôt calme, tantôt dynamique. Il peut s’agir d’un bras de la rivière du Gouffre ou d’un chenal temporaire.

Voici deux pistes d’explications :

Les crues printanières de la rivière du Gouffre sont parfois étonnamment fortes, pouvant atteindre un débit supérieur à 540 m³/s, alors qu’en été il peut se limiter à seulement 3 m³/s. Pourtant, le bassin versant est plutôt modeste avec environ 860 km. C’est la présence toute proche de reliefs de plus de 800 m d’altitude qui occasionnerait des écoulements très rapides soit après de fortes précipitations d’altitude, soit après la fonte subite de la neige d’altitude. Ainsi, dans ces conditions, il est possible que le niveau de la rivière en aval du site où vous êtes monte très rapidement, engorge le lit et déborde temporairement au-dessus des berges.

Toutefois, il est aussi possible que d’importants glissements de terrain, en aval du site, obstruent temporairement la rivière. Le barrage crée alors un petit plan d’eau en amont qui déborde au-dessus des berges. Des chenaux sont creusés par de forts courants, mais sont rapidement comblés par les sédiments transportés à mesure que la vitesse des courants diminue, à la suite du démantèlement du barrage.
Dans toute la vallée du Gouffre, les cicatrices de glissements de terrain abondent. Certaines concernent toute la largeur de la vallée. On parle alors de coulées d’argiles affectant plusieurs kilomètres. L’inventaire et l’historique de tous ces événements géologiques sont en cours.

Pourquoi un glissement de terrain récent (entités 3 et 4) alors que les sédiments sont déposés depuis au moins plusieurs centaines d’années ?

Le glissement de terrain observé suppose une perte de cohésion des argiles, voire une quasiliquéfaction de certaines zones; le tout entrainé sous l’action de la gravité vers le point le plus bas, ici le lit de la rivière.

Les facteurs de déclenchement sont très divers, de sorte qu’il est toujours difficile de prévoir l’ampleur et encore plus la date d’un glissement de terrain ! Il peut s’agir d’une combinaison entre un sapement basal du versant par la rivière et la circulation interne de l’eau dans l’ensemble des dépôts. Au printemps, les sols sont saturés par la fonte de la neige, la rivière est souvent en crue et les pluies parfois abondantes. Des conditions idéales !

Au Québec, on compte environ 100 glissements de terrain par an. Presque tous sont dans des dépôts semblables à ceux devant vous; c’est-à-dire dans des argiles marines, sédimentées d’au plus 13 000 ans avant aujourd’hui. L’argile est un matériel complexe, constitué d’empilements de feuillets de quelques microns d’épaisseur. Elle se compose surtout d’aluminosilicates hydratés dont la cohésion varie selon la teneur en sodium, en fer, en aluminium et en eau. Or, depuis que les dépôts sont proches de la surface, plusieurs de ces éléments peuvent être remobilisés. La cohésion des argiles devient alors fragile, et la moindre contrainte (saturation en eau temporaire, sapement, ajout de charge, vibrations, etc.) peut déclencher une liquéfaction locale ou générale.

Processus

Tout le fond de la vallée du Gouffre est un milieu agricole fertile, en raison notamment de la nature des sols, un mélange de terrains argileux et sableux, tel qu’observé ici.

Débutée depuis les années 1700, la mise en valeur agricole de la vallée est complète vers 1860 et se maintient jusqu’à aujourd’hui. La mécanisation agricole, maintenant disponible, permet d’uniformiser la topographie, de sorte que les traces d’anciens glissements de terrain et d’anciens chenaux temporaires sont moins visibles en surface. Aussi, un important réseau de fossés agricoles assure un assèchement rapide des secteurs plus argileux, et contribue à minimiser le risque de nouveaux glissements.

Depuis 30 ans, les berges de la rivière du Gouffre, jadis totalement déboisées, sont progressivement recolonisées par une végétation forestière. Cela contribue à stabiliser des zones de glissement déjà actives et ralentir les effets du sapement des berges.

Les nouveaux ensembles résidentiels à Baie-Saint-Paul et à Saint-Urbain convoitent les riches terres agricoles de la vallée et nécessitent des travaux particuliers pour minimiser les risques de glissements de terrain (voir les aménagements de protection des berges dans le parc du Gouffre à Baie-Saint-Paul).

Plusieurs forages dans la vallée du Gouffre révèlent au moins 200 m d’épaisseur de sédiments meubles sous les argiles marines et d’importantes ressources en eau.

Par la suite, divers phénomènes d’érosion intense, vraisemblablement sous des climats tropicaux, ont nivelé les sommets. Le plateau des Laurentides serait une ancienne surface d’érosion, façonnée il y a plus de 600 millions d’années. Le rebord, ici observé, résulte en partie de l’effondrement généré au moment de l’impact météoritique vers ­360 millions d’années. Ce rebord marque donc la limite externe de l’Astroblème de Charlevoix.

Plus près, l’entité 2, un ensemble de collines aux sommets arrondis, entre 550 et 750 m d’altitude se poursuivant jusqu’au-dessus de l’estuaire, est constitué des mêmes roches métamorphiques, du même âge que l’entité 1.

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